Transformer l’expérience en diplôme, avec à la clef un impact positif sur la reconnaissance sociale et l’employabilité, tel est son principe.
La VAE (Validation des acquis de l’expérience) vue par ceux qui la pratiquent.
Claude Mandion a vingt-cinq ans d’expérience en expertise comptable et commissariat aux comptes. Il a validé en septembre 2012 un mastère comptabilité/contrôle/audit de l’Université de Paris 13. « Je souhaitais compléter mon DUT de gestion depuis longtemps mais n’avais trouvé ni le temps ni l’énergie ni le soutien pour le faire », explique-t-il. Gestionnaire comptabilité depuis quatre ans chez Deloitte, c’est-à-dire à une fonction support et non plus dans de l’opérationnel chez le client comme à ses débuts, il a pu organiser son temps pour concrétiser son projet de VAE (Validation des acquis de l’expérience), une démarche prenante, engageante.
Le choix stratégique du diplôme
Du CAP au Bac+5, voire plus. C’est le niveau de certification que vous pouvez obtenir avec la VAE. Si nos témoins ont convoité un Bac+5, sachez que la majorité des candidats à la démarche visent un Bac+2 ou un Bac+3 (70%). « Les Bac pro représentent 20% des demandes, les CAP/BEP et Bac+5 sont encore marginaux », observe David Rivoire, fondateur de VAE Les 2 rives, organisme spécialisé dans l’accompagnement VAE, et auteur avec Emmanuel Schaeffer de Génération VAE : De l’expérience au diplôme, paru chez Focus RH.
Claude est un récidiviste. Il vise maintenant le DSCG (Diplôme supérieur de comptabilité et gestion). « La structure qui m’a accompagné a eu un rôle dans le choix stratégique du diplôme en fonction de mon objectif. Ayant obtenu cinq des sept UV du DSCG grâce à mon mastère, je peux bénéficier d’équivalences », précise-t-il.
Son conseil : « Il faut sélectionner les bons cas pratiques, sans redondance. Quand on parle d’expériences assez anciennes, il s’agit de poser un regard critique sur elles, de les mettre en perspectives au regard des évolutions de la réglementation par exemple. C’est une démarche dont les proches peuvent pâtir, c’est donc bien quand l’un d’eux peut participer en relisant le dossier par exemple. »
« Un droit et une chance donnée à une population qui est passée entre les diplômes »
Des entreprises de tous secteurs s’intéressent à la VAE, mais dans les métiers très normés et réglementés, dont ceux de l’expertise comptable et du commissariat aux comptes, « elle s’impose comme une chance donnée à une population qui est passée entre les diplômes. 70% de nos recrutements concernent des profils qui ont des diplômes généraux mais pas de diplôme métier », observe Richard Chaulet, associé directeur de la formation pour le métier de l’expertise comptable chezKPMG. Dans ce cabinet d’audit les premières inscriptions au dispositif datent de 2009. Deux publics sont concernés : les techniciens en expertise comptable de plus de 10 ans d’expérience, titulaires d’un Bac+3 souhaitant obtenir le DSCG (Bac+5) –« la VAE du DEC (Diplôme d’expertise comptable, Bac+8) s’ouvrira en 2013 », précise M. Chaulet, ainsi que les profils administratifs titulaires d’un Bac et visant un DUT d’assistanat ou un BTS communication/marketing/commercial (Bac+2).« C’est un droit, il faut donc être volontaire et demander à être informé. Si l’entreprise ne peut pas vous renseigner, il faut s’informer soi-même auprès des conseils régionaux et sur le Net », complète-t-il.
Volontaire car si le dispositif semble simple tel que présenté en sept étapes – information, conseil, orientation ; constitution du dossier de recevabilité (Livret 1) ; réalisation du dossier de présentation de l’expérience (Livret 2) ; validation par le jury ; décision du jury ; suivi du candidat à l’issue de cette décision –, il a de quoi faire baisser les bras plus d’une fois. Tout candidat perdu dans la jungle des diplômes et dans la masse d’informations sur le sujet, ou subitement dépassé par la charge de travail le confirmera.
Aussi l’accompagnement n’est-il pas un luxe. Si bien des cabinets de conseil RH proposent de l’accompagnement à la VAE, peu sont des spécialistes. Parmi les structures spécialisées citons, outre Les 2 rives et sans exhaustivité, Afogec compétences, Proforaide VAE Experts, VAE Conseil. Notez que les certificateurs (universités, écoles, académies, organismes de formation professionnelle comme l’Afpa et le Cnam) ont également des structures d’accompagnement – être juge et partie ? –, on parle dans ce cas d’accompagnement pédagogique.
« La VAE aiguise l’appétit et l’introspection »
Volontaire, Philippe Raffner l’est, indubitablement. Titulaire d’un CAP/BEP cuisine, il vient de valider un mastère 2 de grande école de commerce avec mention très bien et félicitations du jury. Issu d’une famille de restaurateurs, contraint de suivre cette voie, il a vite éprouvé le besoin de s’affranchir du joug familial.
« J’ai comblé ma frustration d’avoir fait peu d’études par le voyage – j’ai travaillé à New-York puis au Mexique jusqu’en 1993 –puis en changeant de métier », raconte-t-il. Après son expérience à l’international, après trois ans en restauration collective – premier accroc à la vision familiale du métier –, après une envie de se lancer dans la photographie, Philippe rejoint Adecco en tant qu’assistant recrutement. Il est directeur des ventes lorsqu’il quitte l’entreprise seize ans plus tard.
« Quand on est autodidacte, on peut ressentir un syndrome d’imposture, la VAE bétonne le socle d’expériences sur lequel on s’appuie. Elle aiguise aussi l’appétit et l’introspection, elle peut donc révéler des incohérences dans son job », explique-t-il.
Son conseil : « Évaluez la charge de travail et dites-vous que vous en aurez au moins pour une fois et demi en plus. Personnellement, je ne m’attendais pas à une telle charge, j’ai énormément peiné à la fin. Pensez aussi à faire le point avec le service RH de votre entreprise, à impliquer votre employeur. Le mien a validé mon projet, participé au financement, le FASTT a complété puisque je travaillais dans le domaine de l’intérim. »
Les questions à se poser
– Qu’ai-je envie de faire, est-ce bien d’obtenir un diplôme ou un certificat ? « Pensez qu’il faut être prêt à être jugé comme lors d’un examen », pointe Vincent Causse, directeur général de VAE Les 2 rives.
– Ai-je besoin d’un conseil pour choisir mon diplôme ? Bon à savoir avant de répondre, il existe 15 000 diplômes et certificats professionnels en France. Environ.
– Est-ce que mes recherches Web me disent clairement comment m’y prendre ?
– Ai-je le niveau du diplôme que je vise ?
– Est-ce que je sais écrire ? Est-ce que j’aime écrire ? « Une VAE, c’est 90% de rédaction. En moyenne 60 pages pour un Bac/Bac+2 et 80/100 pages pour un Bac+3/5 », rappelle Vincent Causse.
– Suis-je prêt à consacrer à peu près 220 heures à ce travail sur une durée de six à huit mois ? Claude Mandion, en poste à temps complet, plutôt productif entre minuit et trois heures du matin, a mis un an à rédiger son dossier. « C’était mon loisir favori », plaisante-t-il. Prolixe, Philippe Raffner a pour sa part écrit 200 pages. Son rythme ? 10 à 15 pages par semaine. « J’y travaillais 4 à 6 heures chaque samedi. »
– Ai-je besoin, envie d’un accompagnement ? Vincent Causse estime à environ 10% le nombre de personnes « très méthodiques, organisées, disponibles, volontaires » qui peuvent s’en passer.
– Comment choisir mon accompagnateur personnalisé ? En le questionnant sur sa base de données de diplômes, sur le nombre de VAE qu’il a accompagnées et dans quels domaines. Osez les questions du type : puis-je consulter certains de vos dossiers sur ce diplôme chez vous ? Vos consultants sont-ils salariés ou sous-traitants ? Aurai-je un consultant dédié ? Est-il spécialisé du domaine métier que je vise ? Avez-vous une solution d’accompagnement à distance ?
– Quid du financement et du tarif ? « L’accompagnateur peut aider à trouver une solution de financement », indique M. Causse. Sachez que le DIF peut entrer dans le panier, à condition d’un accord de l’employeur, et que d’autres solutions sont possibles sur son plan de formation. « Il existe aussi des solutions ad hoc avec les organismes paritaires (OPCA) ou institutionnels (région, Pôle Emploi) », poursuit-il. Pensez aussi à demander si l’accompagnateur est agréé par Pôle Emploi (qui aide les demandeurs d’emploi à hauteur de 700 euros) et par la région (qui peut compléter d’un montant quasi équivalent ; l’aide totale est d’environ 1 500 euros). Enfin, un forfait ou un dépassement d’heures sont-ils envisageables dans le tarif annoncé par l’accompagnateur ?
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